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Laurent Roussey : "Je ne cours pas après les honneurs"

Laurent Roussey

Laurent Roussey

Plus jeune joueur de l'histoire du football français à avoir marqué un but en L1 (à 16 ans et 3 mois, en 1977), Laurent Roussey a payé toute sa carrière le prix de cette précocité. Avec son alter ego de l'AS Saint-Etienne, Laurent Paganelli, il aura été une des victimes de l'empirisme qui régnait alors au sein d'un système de formation stéphanois qu'on disait pourtant en avance sur son temps en France. C'est donc avec un oeil doublement vigilant que Roussey regarde aujourd'hui son fils, Hugo, 19 ans, prendre le même chemin, au même poste, 35 ans après, toujours à l'ombre de Geoffroy Guichard. Avec l'oeil du papa... et du technicien qu'il est, en quête d'un nouveau challenge à relever après son passage en Suisse. (par F.D.)

Laurent, quels rapports entretenez-vous ou avez-vous entretenu avec le football amateur ?
Aujourd'hui, je regarde toujours avec intérêt les résultats de quelques clubs de CFA ou de CFA2, là où des amis sont devenus entraîneurs, des anciens clubs où je suis passé. J'ai aussi mon fils qui évolue en U19 Nationaux avec l'ASSE donc je suis surtout cette compétition et cette catégorie. Sinon, il faut remonter à mes années à La Réunion, où j'ai débuté comme entraîneur, pour me retrouver au contact du football amateur... un amateurisme assez particulier vu l'engouement que suscite le football sur cette île. Encore plus loin, ce sont mes années à l'US Rouet, où j'ai débuté le foot, et à l'AS Mazargues, où je suis allé rapidement avant d'être recruté par Saint-Etienne. C'est loin, je n'en ai plus beaucoup de souvenirs. Je revois toujours avec plaisir les Patrick Vernet ou Michel Der Zakarian, comme moi passés par Mazargues...

Pour percer et devenir professionnel, les critères de réussite à votre époque étaient-ils les mêmes qu'aujourd'hui ?
Pour être pro, aujourd'hui comme hier, il faut toujours autant bosser, encore bosser, tout le temps bosser. Le talent n'a jamais suffi et ne suffit toujours pas. Beaucoup de paramètres entrent en jeu, notamment le facteur chance. Mais sans travail, rien n'est possible et le moindre relâchement, physique ou psychologique, se paye cash, par des blessures ou des baisses de forme, car la concurrence est de plus en plus âpre, et intervient de plus en plus tôt.

En trente ans, le football n'a-t-il pas un peu perdu de sa dimension éducative, collective ?
Le football reste un sport collectif mais pratiqué de plus en plus par des individualistes. Malheureusement, pour réussir il faut aussi savoir faire preuve d'égoïsme parfois. Mais attention, si je vois toujours autant de talents, beaucoup ne percent pas car ils se croient arrivés trop vite et l'entourage ne facilite généralement pas cette tendance qui pousse à vouloir tout, tout de suite. Le foot, ce n'est pas ça. Signer un contrat professionnel n'est pas une fin en soi. Etre footballeur professionnel ne se résume pas à une signature, c'est aussi et surtout durer, construire une carrière, un parcours, une progression sur dix ou douze ans.

Votre fils vient de signer son premier contrat de stagiaire à l'ASSE, on imagine que vous devez l'accompagner en tirant les leçons de votre propre expérience ?
On a évidemment toujours des leçons à tirer d'un parcours, quel qu'il soit. Les conseils que je peux donner à mon fils sont évidemment liés à ce que j'ai pu vivre, très vite, trop vite, trop haut. Car j'ai eu tout très vite au plus haut niveau international (international à 21 ans : ndlr). Trop vite évidemment. Mais à ce moment là je n'avais pas le recul nécessaire. J'ai oublié d'apprendre à connaitre mon corps et ça s'est retourné contre moi.

Vous avez oublié ou plutôt, votre encadrement l'a oublié, car vous n'aviez que 16 ans lorsque vous avez débuté chez les pros !
Oui, même si j'aurais du apprendre à dire non, il est évident qu'on peut reprocher à mon entourage de l'époque, à l'ASSE, de ne pas m'avoir davantage protégé. Mais à ce moment là, nous n'avions pas la même connaissance, le même recul par rapport à la jeunesse. Avec Paganelli - consulter l'interview de Paganelli - , on peut dire que nous avons servi de cobaye. Aujourd'hui, les clubs ne reproduisent pas les mêmes erreurs. Il faut quand même se souvenir que nous étions titulaires en D1 à seize ans, dans la meilleure équipe de France. On ne fait plus ce genre de choses, les jeunes sont plus protégés, on les préserve et on leur offre davantage de plages de récupération.

Vous avez des regrets ?
Oui, parce que je n'ai pas eu la carrière que tout le monde attendait et à laquelle je pouvais aussi prétendre. J'ai été obligé d'arrêter de jouer à 28 ans en raison des séquelles de blessures contractées à 18 ans (genou) qui ont rapidement limité ma progression.
Votre reconversion comme entraîneur était-elle motivée par cette frustration de ne pas avoir été au bout de votre potentiel de joueur ?
Elle était surtout dictée par une lignée familiale où frère et soeur sont profs, enseignants ou pédagogues. Comme le foot est toujours restée ma passion, le chemin était tout tracé. J'ai tout de suite voulu voir si mes idées pouvaient passer, si je pouvais les transmettre. Ma personnalité m'a tout de suite fait aimer cette relation joueurs-entraîneur.

Vous avez débuté en DH sur l'Île de la Réunion, était-ce un choix calculé pour revenir aux sources du jeu ?
J'y suis effectivement allé petit à petit, à La Réunion puis à Rouen en CFA, pour répondre à des opportunités surtout et m'apercevoir que l'apprentissage était intéressant, qui m'a permis de franchir les étapes une à une, sans me précipiter. Lorsque vous revenez dans le milieu pro ensuite, vous avez davantage d'armes, de certitudes et de convictions. Ensuite, mon parcours est allé crescendo et j'ai rapidement obtenu de bons résultats.

Justement depuis La Réunion jusqu'à la Suisse où vous avez connu votre dernière expérience la saison passée, comment jugez-vous ce parcours de technicien ?
J'ai toujours eu l'impression que ça allait dans le bon sens. J'ai aujourd'hui la volonté de rebondir. J'ai fait le tour de la Suisse Romande, la Suisse Alémanique est plus compliquée en raison de la barrière de la langue mais j'aspire retrouver rapidement un nouveau challenge en France.

Est-ce difficile d'y revenir quand on en est parti ?
Le problème n'est pas d'y revenir, il est davantage de disposer, ou pas, de réseaux qui vous permettraient de le faire plus vite. Or, je suis plutôt un solitaire. Je n'ai pas une nature très expansive au quotidien et ça ne facilite pas l'ouverture des portes. J'ai surtout, je crois, le lourd handicap d'avoir mal fini mon expérience de coach à Saint-Etienne. Je pense que j'en paye encore aujourd'hui les conséquences. (Il a été licencié en cours de saison 2008-2009 pour absence de résultats et problèmes internes et a gagné le procès qu'il a intenté au club aux prud'hommes : ndlr)

Vous avez une certaine notoriété et des résultats dans des clubs comme Lille ou Saint-Etienne que vous avez aidé à redevenir européens. Etes-vous trop exigeants ?
Je ne cours pas après les honneurs. Ce qui me plaît avant tout c'est de me retrouver au milieu d'un groupe, d'échanger, de partager, d'écouter... et je pourrais faire ça à n'importe quel poste, même adjoint, même avec des jeunes dans un centre de formation. J'étais adjoint de Puel à Lille lorsque nous avons vécu la Ligue des Champions, c'était fabuleux. Mais je crois qu'on peut trouver autant de satisfactions et de plaisir avec n'importe quelle casquette.

Certains de vos collègues n'envisagent pas leur métier autrement que dans un club de haut de tableau, comme numéro 1...
On est différents (rires) ! Lorsque vous avez été dans un staff professionnel, vous aspiré forcément y revenir, jouer au plus haut niveau possible et si l'occasion se présente je replongerais tout de suite, mais ce n'est pas, chez moi, une nécessité absolue.

Est-ce un manque d'ambition ?
Non, je ne veux pas briller absolument. Le foot est ma passion, je ne cours pas après l'argent ou les titres de gloire. J'aurais une quantité d'anecdotes à vous raconter de primes que j'ai laissées tomber durant ma carrière. L'argent ne m'intéresse pas, ce n'est en tout cas pas pour ça que je fais ce métier. Ni pour de la reconnaissance, encore moins de la notoriété.

On vous sent éducateur dans l'âme, on se trompe ?
J'ai la fibre, oui, celle du pédagogue qui peut s'adresser à des pros ou à des jeunes de la même façon, à des bons joueurs ou à des moins bons... Le but ultime est de rendre l'autre meilleur et un bon éducateur peut le faire à tous les niveaux.

De votre parcours à celui de votre fils, Hugo, trente ans ont passé. Sa réalité est-elle la même que la votre dans les années 70 ?
Il vit la même chose, avec la même détermination, la même soif d'apprendre. Une seule chose a changé : l'environnement d'un football devenu mondial et qui offre un grand choix à tous les clubs. La concurrence est exacerbée donc elle engendre beaucoup plus de pression. C'est là que le père que je suis intervient pour analyser la situation et faire en sorte de toujours maintenir mon fils dans un minimum de sérénité. Il joue attaquant comme moi et le pire serait qu'il doute. Pour qu'il se construise, qu'il continue sa progression, qu'il s'adapte aux nouvelles exigences qui se présentent à lui, il a besoin de confiance.

Est-ce plus difficile en 2015 que ça l'était en 1975 de devenir pro ?
Oui, quand même...

Propos recueillis par F.D.

Source : Footengo



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